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Mettre au point les taux de redevances accordés aux compositeurs à l’image

publié 07/7/2021

Par Amin Bhatia

Ma réaction devant mon relevé de redevances trimestriel du mois d’août 1994 de la SOCAN : « Wow! Ce qui valait normalement au plus une couple de milliers de dollars en vaut maintenant des dizaines. Qu’est-ce qui se passe? Est-ce une erreur? Non. »

Presque 25 ans plus tard…

Ma réaction devant mon relevé de redevances trimestriel du mois d’août 2017 de la SOCAN : « Wow! Ce qui valait normalement des dizaines de milliers de dollars en vaut maintenant au plus deux mille. Qu’est-ce qui se passe? Est-ce une erreur? Non. »

Je me souviens de m’être interrogé sur mon choix de carrière de compositeur de musique pour le cinéma et la télévision. Certains projets valent la peine, mais d’autres sont pourris. C’est un métier difficile pour vos êtres chers, et les heures de travail sont débiles.

J’ai reçu mon premier chèque en août 1994. C’était pour un épisode d’une émission télé qui commençait à bien marcher sur CBS, et ça allait me rapporter autour de 400 $. Aujourd’hui, sur Netflix, ça te donne 4 $.

Pour tout dire, une grande partie de mon répertoire est passée de la radiodiffusion à la diffusion en continu. En ligne, tu gagnes à peine quelques cents contre chaque dollar payé en radiodiffusion. Après des années à investir dans de multiples projets et dans mon entreprise, voilà où j’en suis. Tout arrêter. Réduire le nombre de mes fournisseurs et le nombre d’heures de mon assistant. Discuter de ça avec ma femme. Je l’ai fait, et nous avons opté pour une réduction d’activités.

Telle est la nouvelle réalité à laquelle nous, les compositeurs de musiques pour le cinéma et la télévision, sommes confrontés. La COVID n’est rien (ces mots sont-ils vraiment de moi?) comparativement à la dévastation créée par la diffusion en continu. Les dollars initiaux que nous touchons en entamant un projet couvrent déjà à peine les heures de travail requises pour l’écriture de la musique elle-même. C’est pour ça qu’on a des droits résiduaires. Ceux-ci font que si un compositeur investit temps et talent dans un projet qui remporte du succès, il a le droit de partager équitablement ce succès parce que la participation de sa musique à l’œuvre est aussi importante que celle des membres de la distribution. Mais cela ne nous empêche pas de toucher des paiements microscopiques aujourd’hui comparativement à il y a une couple d’années.

C’est là où j’en suis personnellement, moi qui ai des clients et un catalogue de compositions. Pour un débutant ou une débutante, le jeu n’en vaut tout simplement plus la chandelle.

« La COVID n’est rien comparativement à la dévastation créée par la diffusion en continu »

Les radiodiffuseurs se conforment aux règlements établis par le CRTC pour le partage d’une partie de leurs recettes publicitaires. La SOCAN répartit ensuite ces recettes entre le compositeur et l’éditeur en fonction des rapports de contenu musical soumis. La part de l’auteur est exactement égale à celle de l’éditeur : 50/50. Ça, c’est le modèle utilisé en radiodiffusion. C’est le modèle à suivre.

Les entreprises de diffusion en continu (vidéo à la demande par abonnement, ou VADA) détiennent elles aussi des licences de la SOCAN, mais la rémunération relative à chaque exécution est largement inférieure, et aucun quota de contenu canadien ne s’applique – jusqu’ici.  no Canadian content rules apply – yet. Les sociétés de production exigent de plus en plus souvent que le compositeur leur concède la pleine propriété de ses droits d’auteur comme condition d’embauche. En conséquence, nous, les compositeurs, sommes privés de l’autre flux de recettes auquel nous avions précédemment droit : des redevances de reproduction au Québec et en Europe et, bien entendu, les recettes d’éditions dont nous bénéficiions précédemment. Sans parler des futurs flux de recettes.

Nous progressons lentement dans ce domaine grâce à la SOCAN, à la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image Screen Composers Guild of Canada (SCGC), à la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec La Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) et à nos organisations sœurs à travers le monde. L’Europe et l’Australie ont fait d’importants progrès en musique et contenu d’information, un autre domaine d’érosion ou les créateurs ne peuvent plus vivre de leurs œuvres à cause de la diffusion en continu et des réseaux sociaux.

Les projets sur lesquels ces organisations travaillent actuellement sont notamment les suivants :

  • quotas de contenu canadien pour la VADA et promotion de la découvrabilité de celui-ci;
  • perception de redevances de droits de reproduction par le biais de la diffusion en continu dans le domaine de la VADA;
  • rétention des droits d’auteur individuels et participation, par le compositeur, à la part de droits d’auteur et de droits de reproduction de l’éditeur; et
  • promotion de l’embauche de compositeurs canadiens de musique à l’image dans les productions étrangères filmées au Canada.

Donc, que peuvent faire les compositeurs de musique à l’image en attendant? Refuser les paiements forfaitaires des producteurs. Ce ne sont pas de mauvaises gens : ils ne se rendent pas compte. Comme compositeurs, insistez sur le partage équitable de la part de l’auteur. Conservez les droits d’auteur inhérents à vos œuvres dans le plus grand nombre de cas possible. Et si un client insiste pour s’approprier votre œuvre comme condition d’embauche, insistez sur la rétention d’une partie des droits et des revenus d’édition. Ces droits appartiennent au compositeur, après tout. Et si vous trouvez ça trop compliqué, faites comme eux, prenez un avocat! Personne ne devrait être capable de vous priver de votre propriété si vous tenez à la conserver. Cette question est plus ou moins réglée au Canada français, et c’est maintenant le tour du Canada anglais.

Si vous me trouvez alarmiste, c’est tant pis, mais je ne changerai pas d’idée. Il s’agit d’une affaire sérieuse. Si nous ne réglons pas la question des droits résiduaires dans le domaine de la diffusion en continu, c’en sera fini de la composition de musique pour le cinéma et la télévision.

À propos d’Amin Bhatia

Qu’est-ce que la copie privée ?

publié 12/9/2020

Par Lisa Freeman

Une « copie privée » est une copie de votre collection musicale que vous faites pour votre usage personnel partout, en tout temps.

La copie privée fait face un défi unique : la technologie a rendu de plus en plus facile pour les consommateurs la copie de musique, mais ce n’est pas toujours possible pour les titulaires de droits d’autoriser, d’interdire ou de monétiser cette activité.

En reconnaissance de ce défi, la Loi sur le droit d’auteur du Canada a été modifiée en 1997 pour permettre aux Canadiens de copier de la musique sur des supports audio pour leur usage privé. En retour, la redevance pour copie privée a été créée pour rémunérer les artistes, musiciens, auteurs-compositeurs, compositeurs, éditeurs de musique et maisons de disques pour l’utilisation de leur musique.

Comment ça fonctionne : chaque fois qu’une entreprise vend un support normalement utilisé pour stocker des copies de musique pour usage privé, les ayants droit reçoivent une petite redevance. Les consommateurs peuvent écouter leur musique partout, en tout temps; la musique accroît la valeur et fait augmenter les ventes des produits des sociétés technologiques; et les créateurs sont rémunérés pour les copies privées non autorisées. Tout le monde y gagne !

Pendant de nombreuses années depuis sa création, le régime de copie pour usage privé a été une source importante de revenus, générant au total plus de 300 millions de dollars de revenus pour plus de 100 000 titulaires de droit. Malheureusement, depuis 2008, le régime est limité à un seul support audio, aujourd’hui pratiquement obsolète : les CD enregistrables. Cela signifie que la compensation pour les créateurs et les entrepreneurs de musique a chuté de 38 millions de dollars en 2004 à 1,1 millions de dollars en 2019 – même si l’activité annuelle de copie a plus que doublé.

Vous pensez peut-être qu’il n’y a plus personne qui effectue des copies de sa collection de musique pour son usage personnel, puisque, de nos jours, nous écoutons de la musique diffusée en continu. Mais rien n’est plus éloigné de la réalité. En effet, les Canadiennes et les Canadiens font toujours des milliards de copies de pièces de leur collection musicale pour les écouter hors ligne. Seul le support sur lequel ces copies sont effectuées a changé : plutôt que les cassettes, ce sont les téléphones et les tablettes. Et, devinez quoi, seule la moitié de ces copies sont payées, par le truchement des licences octroyées aux services de téléchargement et de diffusion.

Notre plus récente recherche montre que la moitié des 5,95 milliards de pistes de musique qui se trouvent actuellement dans les téléphones et les tablettes des Canadiennes et des Canadiens sont des copies non autorisées.

Sans licence ni redevance, ce sont beaucoup de revenus que les créateurs et les entreprises de musique qui sont leurs partenaires ne reçoivent pas. La Loi sur le droit d’auteur n’a pas suivi le même rythme que la technologie, laissant les titulaires de droit non rémunérés. Toutes les copies ne devraient-elles pas compter ?

De légers changements à la Loi permettraient au régime de perception de la copie privée de revenir à son intention originale : être un régime flexible, neutre sur le plan technologique, qui permet aux titulaires de droits de recevoir une compensation pour les copies privées de musique sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle.

Plus précisément, les modifications que nous proposons d’apporter à la Loi sur le droit d’auteur permettraient au régime de s’appliquer à la fois aux supports audio et aux appareils. La SCPCP propose aussi de légères modifications àla Loi pour qu’il soit clair que cette exception à la violation du droit d’auteur ne s’applique pas à l’offre et à l’obtention de musique sans autorisation, que ce soit par un service en ligne non autorisé, l’extraction de flux audio ou le vol d’un album dans un magasin : une telle activité demeure illégale. Le régime de copie privée vise les copies qui ne peuvent être contrôlées.

L’adoption de ces modifications permettrait à la SCPCP de demander à la Commission du droit d’auteur du Canada d’approuver une redevance sur les téléphones intelligents et les tablettes sur lesquels les Canadiens font désormais leurs copies privées. La Commission du droit d’auteur déterminerait la valeur de toute redevance approuvée sur les appareils, mais les redevances proposées par la SCPCP ne représenteront certainement qu’une petite fraction du coût d’un appareil et se compareront à la redevance moyenne exigible sur un téléphone intelligent en Europe : environ trois dollars canadiens, soit le prix d’une tasse de café. Cette redevance permettrait de générer quelque 40 millions de dollars par année.

Avec l’aide de nos sympathisants, nous avons demandé au gouvernement de modifier la Loi sur le droit d’auteur afin de garantir que le régime de copie privée soit neutre sur le plan technologique. En allant de l’avant avec ce changement législatif, nous créerons une véritable solution de marché pour l’industrie de la musique, ce qui contribuera à relancer l’économie canadienne de la musique alors qu’elle se remet de la pandémie de COVID-19.

Le gouvernement devrait déposer un projet de loi sur la réforme du droit d’auteur sous peu, pour donner suite à ce qu’il a entendu dans le cadre du récent examen parlementaire de la Loi sur le droit d’auteur. Nous avons besoin de vous pour nous assurer que la réforme du régime de copie privée demeure une priorité.

Comment pouvez-vous aider?

Vous pouvez nous aider de plusieurs manières :

Lisa Freeman est la directrice générale de la SCPCP.

À propos de Lisa Freeman

Marché de la diffusion en continu

publié 10/17/2019

Par Ed Henderson

En février 2007, convaincu que la diffusion par Internet ne serait jamais quelque chose de majeur, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) annonçait une ordonnance d’exemption (C-58) que l’on appelle désormais exemption numérique portant sur les contenus transmis par Internet. Cette exemption signifiait qu’Internet ne serait pas considéré comme un diffuseur et ne paierait donc pas de taxes. Les propriétés étrangères ne seraient pas soumises à la réglementation et il n’y aurait aucune obligation pour elles de mettre en vedette des contenus canadiens ni de contribuer financièrement, à l’instar de tous les autres diffuseurs, à la création de contenus canadiens.

Cela a permis aux diffuseurs Internet de rire tout au long du trajet qui les conduit à la banque.

Le gouvernement canadien reconnaît depuis longtemps que la proximité des États-Unis constitue une menace à notre existence culturelle. Depuis le tout début du 20e siècle, notre gouvernement cherche des façons de protéger l’unicité de la culture canadienne. En 1936, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la radiodiffusion qui établissait un espace où les voix canadiennes pourraient être entendues partout au pays. Depuis 1957, le gouvernement canadien a réglementé la propriété étrangère des radiodiffuseurs canadiens afin de la limiter à 20 %.

La réglementation imposant des quotas de contenus canadiens à la télévision (adoptée en 1961) et à la radio (en 1970) ont permis de bâtir encore davantage notre culture à un point tel qu’à partir des années 70, les artistes canadiens ont pu jouir d’une véritable carrière au Canada alors qu’auparavant, la plupart devaient d’exiler pour espérer réussir.

Aujourd’hui, la présence de plus en plus dominante d’un Internet déréglementé signifie que l’histoire se répète. On voit de nouveau des artistes canadiens quitter le pays afin de lancer leurs carrières artistiques.

Le résultat net est que nous perdons des emplois dans tous les secteurs des arts et des médias. Nous perdons également des contenus et des programmes canadiens.

Mais les créateurs, interprètes et éditeurs canadiens ne sont pas les seuls touchés par un Internet déréglementé. À mesure que la diffusion par Internet prend de l’ampleur, les médias traditionnels du Canada ont également souffert : les journaux, la télé, la radio et le câble ont vu leurs revenus publicitaires diminuer année après année. Les revenus de la télévision conventionnelle sont passés de 1,984 milliard $ en 2011 à 1,411 milliard en 2018, c’est une diminution de presque 30 %. Cela s’est traduit par des pertes financières annuelles de 7 millions $ en 2012 pour atteindre 144 millions $ l’an dernier — un déficit total sur sept ans de 675 millions $. Les revenus de la radio commerciale ont atteint un sommet de 1,6 milliard $ en 2013 avant de retomber à 1,49 milliard $ en 2018, une diminution de 7 %.

Le résultat net est que nous perdons des emplois dans tous les secteurs des arts et des médias. Nous perdons également des contenus et des programmes canadiens.

Par ailleurs, ces pertes de revenus se traduisent également par une réduction des dépenses pour ces productions. Les producteurs ont moins d’argent pour payer les créateurs. Ces producteurs demandent de plus en plus les droits d’auteurs et les redevances qui leur sont dues — un effet secondaire sûrement inattendu de cette exemption numérique.

Pendant ce temps, les diffuseurs Internet — la plupart basés en Californie — engrangent des milliards de dollars. Les revenus des services de contournement (over-the-top services) sont passés de 115 millions $ en 2011 à 1,3 milliard $ en 2018 — une augmentation de 1130 % — et les prévisions sont de 2,351 milliard $ en 2022. La vaste majorité de ces revenus quittent le Canada.

Dans leur livre The Tangled Garden (publié chez James Lorimer & Company Ltd., 2019), Richard Stursberg et Stephen Armstrong proposent une solution toute simple à ce problème : abroger l’exemption numérique.

Je les cite : « La culture est un secteur d’une importance incroyable au Canada. Selon les chiffres du gouvernement, il représente près de 54 milliards $ par an et fait travailler 650 000 personnes. Cela signifie que ce secteur est presque deux fois plus gros que le secteur de l’agriculture, des forêts et des pêcheries combinés. Il représente le double du nombre d’emplois dans les secteurs des mines, du pétrole et du gaz. »

Stursberg et Armstrong décrivent de manière éloquente la vitesse vertigineuse des pertes du secteur culturel canadien : « À partir de 2010… une grande partie de ce qui avait été acquis a commencé à s’effriter. La puissante industrie des journaux a dû se battre pour sa survie et a congédié ses journalistes et fermé ses bureaux régionaux d’un bout à l’autre du pays. La très profitable industrie de la télévision a commencé à perdre de l’argent. Les navires de CTV, Global et CityTV, les puissances économiques du secteur des médias privé et les plus importants acheteurs d’émissions dramatiques et d’humour, prenaient l’eau dès 2012. Les secteurs des magazines et du cinéma ont également été entraînés dans le maelstrom créé par les FAANGS. »(Facebook, Amazon, Apple, Netflix, Google)

Il est urgent que le gouvernement intervienne.

Abroger l’exemption numérique ne coûtera vraisemblablement rien au gouvernement et aux citoyens canadiens. Selon Stursberg et Armstrong, « appliquer les taxes de vente, abolir les crédits d’impôt pour les filiales étrangères et éliminer le vide juridique entourant l’application de C-58 génèreront suffisamment d’argent » pour protéger les contenus canadiens dans le marché numérique.

« Ces mesures n’ont rien de nouveau ou d’étrange. Ce sont simplement une extension des règles qui ont, historiquement, guidé les industries de la radiodiffusion et des journaux. Elles exigent des FAANGs qu’elles se soumettent aux mêmes régimes fiscaux que les médias traditionnels, qu’elles effectuent les mêmes contributions pour la production de contenus canadiens et qu’elles respectent les mêmes normes de civilité et de transparence que les journaux et les radiodiffuseurs. »

 Il est urgent que le gouvernement intervienne. Les auteurs nous mettent ainsi en garde : « ces changements aux politiques… doivent être mis en place dès maintenant. La situation financière des médias traditionnels est si précaire qu’ils ne pourront pas tenir le coup encore très longtemps. »

Ces changements tout simples doubleraient pratiquement le soutien offert aux industries culturelles canadiennes en plus de générer des revenus fiscaux additionnels pour le Canada. Selon l’hypothèse de Stursberg et Armstrong, l’abrogation de l’exemption numérique et le fait de traiter les diffuseurs Internet en tant que tels — des diffuseurs — les 100 millions $ que Netflix a dépensés pour des productions canadiennes en 2017 auraient alors été de 230 millions $ et auraient représenté 320 millions $ en 2021.

L’Union européenne est passée à l’action. Elle a récemment adopté une loi visant à soutenir son économie culturelle florissante en appliquant aux diffuseurs Internet les mêmes réglementations auxquelles les radiodiffuseurs sont assujettis.

Le Canada doit lui emboîter le pas. Il faut traiter Internet comme le diffuseur qu’il est. Il faut le réglementer et exiger qu’il fasse sa part pour soutenir et diffuser les contenus canadiens.

L’existence culturelle du Canada en dépend.

Une version de l’éditorial d’Ed Henderson a été publiée dans l’édition du 15 octobre 2019 du Globe and Mail.

À propos d’Ed Henderson

La révolution numérique favorise un processus créatif précipité, moins talentueux

publié 10/12/2017

Par Miranda Mulholland

Formée classiquement en violon et en chant, Miranda Mulholland est très demandée pour son talent dans de nombreux styles musicaux. Elle est membre du duo Harrow Fair ainsi que du trio de violonistes Belle Starr, en plus de faire des apparitions occasionnelles dans le spectacle de violons Bowfire. Elole est devenu le vaisseau amiral de sa propre maison de disque, Roaring Girl Records; elle a établi le festival de musique Sawdust City dans la ville historique de Gravenhurst, en Ontario; elle est membre du conseil des gouverneurs du Massey Hall/Roy Thomson Hall; et elle siège au conseil de la Canadian Independent Music Association (CIMA).

J’adore regarder les ébauches d’une œuvre d’art. J’adore les premières versions d’une nouvelle, d’une chanson ou d’un poème. J’adore les esquisses d’une toile. Récemment, j’ai vu une esquisse à l’huile de la toile « The Haywain » de John Constable au Victoria and Albert Museum, à Londres.
On y dénote évidemment le talent de l’artiste, mais ce qui frappe, lorsqu’on la compare avec l’œuvre finale qui est exposée à la National Gallery, c’est la réflexion, les décisions et la composition qui sont entrées dans la création de cette œuvre finale. Je préfère presque l’esquisse.

David Galenson, un économiste spécialisé en art, a abordé le processus de création. Il établit une différence entre l’éclair de génie et le laborieux processus de création. On entend souvent parler du premier cas, ce qu’il appelle les « innovateurs conceptuels ». Ces auteurs-compositeurs qui ont écrit un succès No. 1 en quelques minutes. Ces peintres qui ont créé un chef-d’œuvre en quelques coups de pinceau. Cette idée remonte à la Grèce antique et à ses muses qui distribuent des idées de génie. Mais la notion que tout est créé de cette manière ignore le travail éreintant et les innombrables et minutieuses révisions derrière les créations de la majorité des artistes. Ceux-là, ce sont les « innovateurs expérimentaux ».

Il a fallu six ans à Leonard Cohen pour écrire « Hallelujah ». Bruce Springsteen a planché six mois sur les paroles de « Born to Run ». Margaret Mitchell a passé 10 ans à l’écriture de Gone with the Wind, tandis que Alistair Macleod a créé son merveilleux No Great Mischief en 13 ans.
Créer une œuvre d’art, c’est appliquer un certain scepticisme à ce qui est venu avant, ainsi que l’utilisation de sa curiosité, ce qui permet à l’imagination d’arriver à quelque chose d’entièrement nouveau grâce au talent. Dans notre monde où tout va de plus en plus vite, il est crucial d’utiliser une vision à long terme. Les gouvernements, les investisseurs, les éditeurs et les maisons de disque doivent garder à l’esprit que la plupart des artistes ont besoin de temps pour se développer, grandir, et réaliser leur vision.

Prenons l’exemple de Malcolm Gladwell, l’auteur de The Tipping Point : lorsqu’on lui demande de s’exprimer au sujet de la pression que l’industrie de l’édition exerce sur les auteurs pour qu’ils écrivent rapidement, il dit « Un travail de qualité requiert du temps. En tant qu’auteur, l’expérience des auteurs autour de moi démontre que ceux qui échouent sont ceux qui sont trop pressés. Le problème de la littérature aux États-Unis actuellement n’est pas un échec de quantitatif. C’est un échec qualitatif. »

Le climat social actuel est de plus en plus éloigné du temps et du talent. La notion que tout le monde peut enregistrer un album dans sa chambre à coucher et l’offrir gratuitement en téléchargement est, en théorie du moins, une forme de démocratisation, mais elle soulève une question : devriez-vous le faire simplement parce que vous le pouvez ? Il s’agit d’un véritable mouvement d’« amateurisation », un concept qui, lorsqu’on l’applique de manière pratique, est d’une valeur douteuse pour le consommateur.

Lorsque j’étais en secondaire 1, je faisais partie d’un quatuor à cordes qui jouait dans les mariages. Notre violoncelliste avait créé ce groupe et s’occupait de nos engagements. Elle était également la moins bonne du groupe, musicalement, et ne s’exerçait pas suffisamment à son instrument. Lors du dernier mariage durant lequel j’ai joué avec le quatuor, la mariée avait demandé que nous jouions le Canon de Pachelbel, une des pièces les plus demandées dans les mariages et une pièce que vous avez sûrement déjà entendue. La partition du violoncelle comporte huit notes jouées dans la même séquence tout au long de la pièce. Elle n’a même pas réussi à jouer cette séquence sans faire d’erreur et nous avons tous passés pour une bande d’amateurs. Après le mariage, j’ai tenté d’être diplomate et suggéré que nous répétions « en groupe » plus souvent avant de chercher de nouveaux engagements payants.

Sa réponse : la famille de la mariée semblait satisfaite et n’a pas remarqué ses erreurs. Et c’est là où j’ai un problème : on nous engage justement pour remarquer ces erreurs. On nous engage parce que nous sommes des experts, des arbitres du bon goût et du talent. Lorsque les termes de cette entente deviennent flous, la qualité en souffre. Les arbitres du bon goût respectés ont été éliminés par la diminution des budgets et remplacés par des algorithmes.

J’ai reçu des services plus que décevants de la part d’Uber et de Airbnb, j’ai lu des « nouvelles » vraiment mal écrites et des billets de blogue — ce soi-disant « journalisme citoyen » — qui se contentent de régurgiter des communiqués de presse, et je me suis demandé quand nous étions devenus si effrayés par le talent et l’expertise.

Les véritables arbitres du bon goût sont en voie d’extinction. La production de contenus a connu une croissance exponentielle au cours des 20 dernières années. La critique et le public sont submergés par les choix qui s’offrent à eux tandis qu’au même moment, les arbitres du bon goût sont mis à pied et remplacés par des amateurs.

L’un des supposés bénéfices de la révolution numérique dont nous sommes tous désormais bien conscients est le ciblage. Grâce aux vastes quantités de données récoltées à notre sujet, nous pouvons cibler notre auditoire avec une grande précision. Cette précision permet à des créneaux de marché très nichés de trouver leurs consommateurs.

Le hic, c’est que les niches de marché ne sont pas chose simple. Car puisque le système de diffusion en continu est fondé sur les parts de marché, la minuscule fraction de sou que vous touchez par diffusion diminue dramatiquement si votre musique n’est pas grand public. Moins on l’écoute, moins elle se retrouve dans les algorithmes de listes d’écoute et moins elle sera jouée, si elle l’est… Les niches de marché sont comme l’ourobouros, ce serpent qui mange sa propre queue. Non seulement ça, mais en raison de l’infime proportion du marché qu’elles représentent, elles sont parfois tout simplement oblitérées.

Pourtant, favoriser ces niches est important. Pourquoi ? Prenons l’exemple d’une langue : elles contiennent toutes des mots qui sont rarement utilisés. Ce ne sont pas des mots grand public. Mais ces mots expriment absolument et complètement un sentiment. Saviez-vous que le mot abstème signifie « qui ne boit pas de vin » ? Ce n’est pas un mot qu’on utilise fréquemment, mais je suis tout de même heureuse qu’il existe.

Lorsque nous limitons et entravons l’accès à ces mots, nous limitons notre pensée. Souvenez-vous de Winston Smith dans 1984, un roman qui est de plus en plus prophétique chaque jour. Son travail était de purger le dictionnaire de ses mots afin de limiter et de contrôler la pensée, créant ainsi la « novlangue ». Des outils comme les correcteurs et prédicteurs de texte accélèrent ce processus.

Je crois également que les algorithmes menacent de nous limiter et de nous contrôler. Leurs calculs sont basés sur des décisions que vous-même et des milliers de gens aux goûts similaires avez prises auparavant. Cela limite l’imagination, les découvertes inattendues, et les choix contre-intuitifs qui ont le pouvoir de changer radicalement notre façon de penser. Et n’est-ce pas justement là tout le pouvoir de l’art : changer notre façon de penser ?

Mais alors, quelle pièce maîtresse nous manque-t-il ? On la trouvera dans le processus de création artistique. C’est la clé de voûte de la créativité : l’imagination. L’imagination engendre le scepticisme, pas à travers le doute, mais à travers la curiosité. Elle nous permet de ne pas accepter les absolus et les idées reçues, elle nous permet d’entrevoir de nouvelles perspectives, de nouvelles solutions et de nouvelles réalités. Nous pouvons utiliser les outils que sont le scepticisme et la curiosité afin de prendre possession de nos propres décisions et accéder à de pensées, découvertes et inspiration nouvelles et excitantes.

Créer des pubs ciblées pour des nouvelles, de la musique, des suggestions de lecture et d’autres produits susceptibles de nous plaire est facile. Mais facile ne veut pas toujours dire bon. Nous nous devons d’être plus sceptiques que jamais et de reprendre possession du pouvoir d’être nos propres arbitres du bon goût.

La musique à une grande valeur

publié 06/9/2015

Par Jennie Flannery

Avant d’enregistrer moi-même un album, je ne m’étais jamais arrêtée à tout ce que ce processus implique. J’étais une grande fan de LimeWire et je pensais vraiment « pourquoi payer quand je peux télécharger gratuitement ou emprunter l’exemplaire d’un ami et m’en graver une copie? »

Eh! bien, j’ai fait un virage à 180 degrés sur cette question, et je vais vous expliquer pourquoi.

Écrire des chansons et être suffisamment doué avec un instrument pour pouvoir attirer un auditoire prend des années de dur labeur et de dévouement. Et je ne parle même pas des innombrables heures d’écoute des divers artistes dans votre style musical de prédilection afin de vous imbiber de vos influences… Puis il vous faudra développer votre créativité et devenir un musicien avec un style et une perspective uniques.

Créer des chansons originales demande du temps et du cœur afin de véritablement exprimer qui vous êtes et votre individualité en tant que musicien. Vous cherchez et avez besoin d’être unique en tant qu’auteur-compositeur afin de vous distinguer de tous les autres.

Vous devrez ensuite dépenser temps et argent afin de donner des prestations afin de découvrir si oui ou non le public aime ce que vous faites. Vous devrez apprendre à vous sentir en contrôle sur scène, peu importe ce qui s’y produit, qu’il y ait ou non des distractions, tout comme vous devrez apprendre à plaire à tous les publics.

Lorsque viendra le temps d’enregistrer, vous devrez faire des recherches pour trouver le bon réalisateur et quelles chansons vous enregistrerez.

Si vous êtes un artiste solo, il vous faudra également trouver des musiciens pour vous accompagner. Encore une activité qui demande temps et effort, discuter avec de nombreux musiciens pour décider qui sera le meilleur pour vos chansons et votre propre style de jeu. Vous devez planifier du temps de répétition et travailler les arrangements de votre musique. De plus, pour ne pas perdre de précieux temps en studio, vous devez répéter inlassablement vos chansons jusqu’à ce qu’elles soient quasi parfaites. Cela nécessitera quelques jours en plus de ce que vos musiciens vous demandent comme cachet.

Puis vous devrez choisir un studio d’enregistrement dans votre région, ce qui, encore une fois, requiert temps, effort et recherche. Puis, vous devrez engager des dépenses accessoires, comme, disons, un accordeur de piano – 100 $ –, et le micro parfait pour votre son – encore 150 $…

Puis vous pourrez commencer à enregistrer. Même dans un petit studio indépendant dont le propriétaire-réalisateur est super sympa, on parle d’un minimum de 50 $ l’heure, avec des journées de 8 heures, soit 400 $ par jour. N’oubliez pas, vous devez également payer vos musiciens, ce qui coûte généralement au moins 50 $ l’heure – chacun.

Mais en plus du temps d’enregistrement – à moins que ce que vous recherchiez soit un son « live » – vous devrez passer de longues heures en postproduction, mixant l’intro de la prise deux dans le premier couplet de la prise quatre et le refrain de la prise sept. Ou afin de vous assurer que le volume du solo de guitare est juste à point. Parfois, ce processus est suffisamment complexe pour nécessiter l’embauche d’un ingénieur de mixage professionnel, qui exige un cachet aussi élevé que celui du réalisateur.

Si l’objectif de votre séance d’enregistrement est la production d’un album, vous devrez également dépenser temps et efforts à écouter et réécouter chacune des pièces pour déterminer l’ordre de celles-ci, le « pacing ». Vous pourriez simplement mettre les meilleures pièces d’entrée de jeu afin d’attirer l’attention des radios et des autres médias qui, souvent, n’écoutent que les premières pièces d’un album. Mais le résultat est que l’album paraît ainsi déséquilibré. Alors vous écoutez encore et encore votre album, changeant l’ordre des pièces en portant attention à la fin et au début de chacune d’elles et comment ces sections s’enchaînent. Est-ce que les clés harmoniques s’accordent? Est-ce qu’une pièce au tempo rapide est mieux servie par une pièce lente qui lui succède?

Puis vient enfin l’étape du matriçage, qui coûte généralement 1000 $ au bas mot. Les pièces sont envoyées au meilleur ingénieur de matriçage que vous pouvez vous payer afin qu’il donne une cohésion au son de votre album. Puis vous devez réécouter l’album une fois de plus afin de découvrir ce que cette personne a accompli. Évidemment, tout n’est pas parfait du premier coup, ce qui entraîne de nouveaux coûts.

Lorsqu’il est question d’un album, à un moment ou un autre vient le temps de penser à la pochette et au look graphique de la pochette et du livret. Il faut alors engager un photographe pour une séance photo et un graphiste pour la création de la facture visuelle. Vous devez également écrire toute l’information que vous désirez y inclure. Vous devez donc approuver la mise en page, les couleurs, le choix des polices de caractères, et tutti quanti. Encore des dépenses de temps et d’argent.

Si vous avez choisi de réinterpréter des chansons d’autres artistes, vous devez effectuer les recherches au sujet de ses auteurs, remplir les bons formulaires et payer les droits de reproduction mécanique à la CMRRA afin de pouvoir procéder à la fabrication des disques comme telle, en plus de déterminer s’il y a d’autres licences ou autorisations à obtenir. ENCORE des dépenses de temps et d’argent.

Si vous espérer que votre album attire l’attention des médias, vous n’aurez sans doute pas le choix d’engager une agence de relations média qui s’occupera de vous écrire une bio, un communiqué de presse, acheminera votre album et tout le matériel afférent aux médias et s’assurera qu’on parle de vous dans les journaux, à la radio, à la télé, sur les blogues et les réseaux sociaux. On parle d’au moins 500 $, ici.

Si vous planifiez la sortie d’un CD ou d’un album vinyle, vous pouvez choisir un tirage d’aussi peu que 500 exemplaires, mais il vous en coûtera au moins 2000 $ malgré tout. N’oubliez pas toutefois qu’au moins 300 de ces exemplaires serviront à des fins promotionnelles, vous ne ferez donc pas un sou sur ces exemplaires.

Comme vous pouvez le constater, on parle d’une petite fortune, ici – environ 10 000 $ au bas mot – pour l’enregistrement et le lancement d’un album. Même en supposant que vous utilisez une campagne de sociofinancement pour trouver des fonds pour votre projet, il y a fort à parier que vous aurez tout de même à débourser au moins 5000 $ de votre poche.

Alors la prochaine fois que vous entendez de la musique que vous aimez, je vous en implore, donnez aux créateurs de cette musique le mérite et le respect qui leur revient pour tout ce qu’ils ont investi pour devenir les musiciens qu’ils sont et l’enregistrement qu’ils ont réalisé. Acheter leur musique leur permet de ne pas s’endetter et, on peut l’espérer, les aider à poursuivre leur carrière, ce qui est d’autant plus vrai pour les plus petits artistes indépendants.

Dans les faits, télécharger gratuitement de la musique n’est ni plus ni moins que du vol. Copier un CD est illégal et constitue un manque total de respect pour le dur labeur des créateurs musicaux. Il n’y a pas un artiste qui pourrait continuer à créer de la musique pour vous, cher public, s’il n’était pas payé pour son travail. Est-ce que vous accepteriez de donner gratuitement le fruit de votre travail? Non, et il n’y a aucune raison pour laquelle il devrait en être ainsi pour les créateurs de musique.

L’accord d’Apple avec U2 dévalue-t-il la musique?

publié 09/18/2014

Par Howard Druckman

La semaine dernière, U2 a offert son nouvel album Songs of Innocence aux 500 millions d’abonnés et plus d’Apple iTunes gratuitement…du moins pour les utilisateurs d’iTunes.

Le New York Times rapporte qu’Apple a payé au groupe et à Universal Music une certaine somme (non précisée) et s’est engagé dans une campagne de marketing d’une valeur de plus de 100 millions de dollars afin de faire paraître l’album « gratuitement ». L’annonce en a été faite à l’occasion d’un événement d’Apple attendu mondialement, soit le lancement du nouvel iPhone 6 et de la montre Apple Watch.

Il est déjà clair que l’écoute de musiques contre paiement passe d’un modèle fondé sur la propriété (ventes matérielles sinon de téléchargements) à un modèle fondé sur l’accès (par diffusion en continu). Or, le modèle de la propriété paye les musiciens décemment, alors que le modèle de l’accès ne leur permet de toucher que des millièmes de cent par écoute. Il est également évident que les abonnés d’Apple seront ravis de télécharger l’album de U2 sans avoir à débourser un sou. Mais la perception de la valeur de la musique aux yeux du public ne pourra qu’en souffrir. Cette perception du public, qui n’a pas de prix, peut prendre des années à bâtir, alors qu’il suffit de quelques moments pour la détruire.

Lors du lancement, en parlant de l’album, Tim Cook d’Apple a annoncé sa « sortie gratuite sur iTunes », mais Bono a réagi rapidement en insistant sur le fait que « Vous allez devoir payer pour l’avoir ».  Dans une déclaration ultérieure, Bono, s’efforçant de mitiger la perception voulant que l’accord de U2 dévalorise la musique – a dit de l’album : « Apple l’a acheté pour en faire cadeau à tous ses clients amateurs de musique. C’est gratuit mais il y a eu un prix à payer. Parce que si personne ne paye quoi que ce soit, je ne suis pas sûr que la musique « gratuite » soit si gratuite que cela. Elle a habituellement un prix, tant pour l’art que pour l’artiste… ce qui a de grandes implications, pas vraiment pour nous de U2, mais pour les futurs musiciens… qui doivent gagner leur vie en écrivant [leur musique]. »

Mais si 500 millions d’abonnés d’iTunes n’ont rien à débourser pour télécharger et s’approprier le dernier album de U2 – sans doute le groupe actuellement le plus célèbre sur la planète – le message pour tout consommateur est qu’aucune musique ne mérite d’être payée. Si les consommateurs n’ont rien à débourser pour posséder le dernier album de U2, pourquoi auraient-ils à payer quoi que ce soit pour l’album d’un groupe de musiciens locaux ou les futurs musiciens auxquels Bono fait allusion? Même si U2 a touché de l’argent, son entente avec Apple tend à accréditer l’idée que la musique vaut de moins en moins pour le consommateur. Et tandis que la valeur perçue de la musique s’effondre, le potentiel de revenus des musiciens de partout s’effondre aussi.

Des rapport récents indiquent que certains disquaires et hauts responsables de l’industrie du disque considèrent que l’accord de U2 dévalue la musique. « Je ne suis pas sûr que ce cadeau soit bon pour notre secteur, » déclare le directeur d’une étiquette de disques. Un autre considère que cet accord fera du tort aux artistes moins connus, qui comptent sur les revenus de leurs ventes. Le rédacteur en chef David Farrell, dans un Commentaire paru dans le magazine canadien en ligne FYI, affirme que l’accord de U2 «  dérange de nombreux intervenants du secteur musical, car il consacre la mort de la valeur de la musique : Bono et son groupe… ont indiqué à leurs admirateurs qu’acheter de la musique est complètement dépassé ».

Il y a d’autres exemples récents de stratagèmes semblables contribuant à miner la valeur de la musique, comme une astuce de marketing par Jay Z (un million d’exemplaires « gratuits » aux acheteurs d’un téléphone Galaxy de Samsung contre un montant forfaitaire de 5 millions en 2013) et Radiohead (offrant leur disque In Rainbows en ligne en 2007 pour n’importe quel prix que l’acheteur décide de payer librement).

Lors de la sortie d’In Rainbows, le journaliste Will Hodgkinson, du journal britannique The Guardian, a écrit : « Pensez aux milliers de groupes et de chanteurs qui, loin d’être aussi célèbres et riches que Radiohead, n’auront désormais plus aucune chance de vivre de leur musique. » Remplacez Radiohead par U2 et vous pourriez affirmer la même chose aujourd’hui.

Qu’en pensez-vous?