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La genèse du génie

publié 12/14/2021

Par Andrew Berthoff

« When I was younger, so much younger than today », bref, j’ai grandi avec Les Beatles. Je dois remercier ma maman mélomane pour ça. Parmi mes premiers souvenirs de la fin des années 60, je me souviens être assis à la maison à colorier et à écouter des 33 tours comme Aftermath des Stones, Tommy des Who (je me souviens m’être demandé ce qu’était « Tommy-The-Who » et s’il était comme le Nowhere Man), Blind Faith, Simon & Garfunkel, Cream et, bien sûr, les Fab Four.

Je devais avoir environ 5 ans quand Let It Be est sorti. J’étais l’unique compagnon de ma mère durant le jour pendant toute une année ; mon grand frère et ma grande sœur étant déjà au primaire.

Elle m’emmenait avec elle au cinéma pour voir des films comme Yellow Submarine, True Grit, Bananas de Woody Allen, et je me souviens très bien avoir vu Let It Be au cinéma Varsity. Mes souvenirs les plus marquants sont le plan d’une personne âgée escaladant une échelle de toit sur Savile Row pour avoir un meilleur point de vue sur le groupe, et aussi que John et George me faisaient un peu peur. J’étais plus dans l’équipe de Paul et Ringo.

Même si les Beatles font partie de mon ADN, je ne me considère pas comme un fan fini comparé à d’autres groupes pour lesquelles j’ai consigné à ma mémoire le moindre détail de tout ce qui s’y rapporte. N’empêche, je connais leur musique par cœur et je dirais sans la moindre hésitation qu’ils sont le meilleur groupe de l’histoire. Personne n’a écrit de meilleures chansons, sauf peut-être Cole Porter.

Comme on dit en bon français, j’ai « bingé » l’épique documentaire Get Back de Peter Jackson. Ces neuf heures ont passé comme un coup de vent et je ne comprends pas, même si on tient compte de notre déficit d’attention collectif, comment certains ont pu se plaindre que c’était « trop long ».

Trop long?! Ce sont les 50 années qui se sont écoulées sans qu’une nouvelle séquence ou un nouveau fait soit révélé sur le groupe qui sont trop longues. La sempiternelle histoire révisionniste du groupe est ce qui dure depuis trop longtemps. Trop, c’est le nombre de ces personnes qui nous ont désormais quittées : Lennon, Harrison, Linda McCartney, George Martin…

Après cinq décennies de néant, neuf heures de nouvelles images brillantes et authentiques, c’est tout.

Je ne peux pas imaginer un point de vue plus émerveillant sur l’art et le talent requis pour la création musicale professionnelle que Get Back. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la quantité de travail que ces génies mettent dans leur art. Si vous pensiez qu’une chanson de quatre minutes prend une minute à écrire, vous allez déchanter rapidement. Chacune de leurs chansons est peaufinée, manipulée et retravaillée au fil d’intenses séances de travail pendant un long mois rempli de longues nuits à travailler comme des chiens.

Ils avaient beau être le plus grand groupe du monde, mais ils se sont mis au TRAVAIL

 Get Back n’a que du positif pour les créateurs de musique professionnels. Je ne suis pas auteur-compositeur, mais j’ai écrit et publié de la musique et il est malheureux que trop souvent, le travail d’une vie soit balayé du revers de la main comme étant jetable et « facile ». C’est comme dire qu’un athlète des ligues majeures est « payé des millions pour jouer à un jeu d’enfants », sans tenir compte des milliers d’heures d’apprentissage continu, de pratique et de perfectionnement qui lui ont permis d’en arriver là.

S’il y a une scène de Get Back qui m’a particulièrement fait vibrer, c’est celle où John, George et Ringo sont dans un coin du studio pour discuter d’un sujet plutôt sans importance avec le légendaire producteur Glyn Johns. Hors champ, on entend les tout premiers accords de ce qui deviendra « Let It Be » joués par Paul, assis au piano. Le reste du groupe n’y porte aucune attention et continue de discuter, personne ne sursaute en criant  : « Paul, c’est QUOI ça! » Non, ils discutent parce que c’est ça, la création musicale au quotidien.

Même si pour moi ce moment est emblématique du processus créatif (j’imagine des doigts tendus sur le point de toucher le toit de la chapelle Sixtine), c’est l’un des nombreux incidents discrets, mais envoûtants de Get Back. C’est une expérience profondément spirituelle et quasi religieuse.

J’ai toujours pensé que chaque fois qu’un auteur-compositeur se vante d’avoir mis « 20 minutes à écrire » une chanson à succès, il se rend un mauvais service à lui-même et à ses collègues créateurs de musique.

L’essence de la chanson a peut-être vu le jour en quelques minutes, mais c’est sans compter les années d’apprentissage, de pratique et de préparation qui lui ont permis d’arriver à ce point, et les heures, les jours, les semaines de travail de huit jours, sans parler des mois de bidouillage, d’arrangements, de répétitions, d’enregistrement et de matriçage qui ont fait de sa chanson le succès qu’elle est devenue.

Aucun des membres des Beatles, de mon point de vue, n’avait de prétention ou de grands airs dans les images qu’on voit. Ils avaient beau être le plus grand groupe du monde depuis huit ans, ils se sont quand même présentés au studio avec leurs instruments et ils se sont mis au travail. Ils débattent, cajolent, plaisantent, poussent, ajustent – en un mot, ils collaborent. Ils ne sont pas entrés dans l’espace de répétition avec des idées préconçues de grandeur, ni même avec une indication perceptible à mes yeux qu’ils étaient convaincus qu’ils allaient créer quelque chose de bon.

En effet, comme les meilleurs d’entre nous, c’est leur humilité créative qui a semblé les pousser à aller de l’avant, sans présomption, jusqu’à ce que, finalement, la créativité cède au commerce. Les interruptions créatives des tentacules commerciales commencent à être perceptibles dans la troisième partie de Get Back. Pour moi, un moment aussi triste que les premiers accords de « Let It Be » sont là où la magie s’opère.

On doit beaucoup aux Beatles, mais on doit un immense merci à Get Back de présenter le réel contexte de l’art, du talent et surtout du travail acharné qu’exige la création musicale. Ce que le fil documente, c’est la genèse du génie.

À propos d’Andrew Berthoff

La musique à une grande valeur

publié 06/9/2015

Par Jennie Flannery

Avant d’enregistrer moi-même un album, je ne m’étais jamais arrêtée à tout ce que ce processus implique. J’étais une grande fan de LimeWire et je pensais vraiment « pourquoi payer quand je peux télécharger gratuitement ou emprunter l’exemplaire d’un ami et m’en graver une copie? »

Eh! bien, j’ai fait un virage à 180 degrés sur cette question, et je vais vous expliquer pourquoi.

Écrire des chansons et être suffisamment doué avec un instrument pour pouvoir attirer un auditoire prend des années de dur labeur et de dévouement. Et je ne parle même pas des innombrables heures d’écoute des divers artistes dans votre style musical de prédilection afin de vous imbiber de vos influences… Puis il vous faudra développer votre créativité et devenir un musicien avec un style et une perspective uniques.

Créer des chansons originales demande du temps et du cœur afin de véritablement exprimer qui vous êtes et votre individualité en tant que musicien. Vous cherchez et avez besoin d’être unique en tant qu’auteur-compositeur afin de vous distinguer de tous les autres.

Vous devrez ensuite dépenser temps et argent afin de donner des prestations afin de découvrir si oui ou non le public aime ce que vous faites. Vous devrez apprendre à vous sentir en contrôle sur scène, peu importe ce qui s’y produit, qu’il y ait ou non des distractions, tout comme vous devrez apprendre à plaire à tous les publics.

Lorsque viendra le temps d’enregistrer, vous devrez faire des recherches pour trouver le bon réalisateur et quelles chansons vous enregistrerez.

Si vous êtes un artiste solo, il vous faudra également trouver des musiciens pour vous accompagner. Encore une activité qui demande temps et effort, discuter avec de nombreux musiciens pour décider qui sera le meilleur pour vos chansons et votre propre style de jeu. Vous devez planifier du temps de répétition et travailler les arrangements de votre musique. De plus, pour ne pas perdre de précieux temps en studio, vous devez répéter inlassablement vos chansons jusqu’à ce qu’elles soient quasi parfaites. Cela nécessitera quelques jours en plus de ce que vos musiciens vous demandent comme cachet.

Puis vous devrez choisir un studio d’enregistrement dans votre région, ce qui, encore une fois, requiert temps, effort et recherche. Puis, vous devrez engager des dépenses accessoires, comme, disons, un accordeur de piano – 100 $ –, et le micro parfait pour votre son – encore 150 $…

Puis vous pourrez commencer à enregistrer. Même dans un petit studio indépendant dont le propriétaire-réalisateur est super sympa, on parle d’un minimum de 50 $ l’heure, avec des journées de 8 heures, soit 400 $ par jour. N’oubliez pas, vous devez également payer vos musiciens, ce qui coûte généralement au moins 50 $ l’heure – chacun.

Mais en plus du temps d’enregistrement – à moins que ce que vous recherchiez soit un son « live » – vous devrez passer de longues heures en postproduction, mixant l’intro de la prise deux dans le premier couplet de la prise quatre et le refrain de la prise sept. Ou afin de vous assurer que le volume du solo de guitare est juste à point. Parfois, ce processus est suffisamment complexe pour nécessiter l’embauche d’un ingénieur de mixage professionnel, qui exige un cachet aussi élevé que celui du réalisateur.

Si l’objectif de votre séance d’enregistrement est la production d’un album, vous devrez également dépenser temps et efforts à écouter et réécouter chacune des pièces pour déterminer l’ordre de celles-ci, le « pacing ». Vous pourriez simplement mettre les meilleures pièces d’entrée de jeu afin d’attirer l’attention des radios et des autres médias qui, souvent, n’écoutent que les premières pièces d’un album. Mais le résultat est que l’album paraît ainsi déséquilibré. Alors vous écoutez encore et encore votre album, changeant l’ordre des pièces en portant attention à la fin et au début de chacune d’elles et comment ces sections s’enchaînent. Est-ce que les clés harmoniques s’accordent? Est-ce qu’une pièce au tempo rapide est mieux servie par une pièce lente qui lui succède?

Puis vient enfin l’étape du matriçage, qui coûte généralement 1000 $ au bas mot. Les pièces sont envoyées au meilleur ingénieur de matriçage que vous pouvez vous payer afin qu’il donne une cohésion au son de votre album. Puis vous devez réécouter l’album une fois de plus afin de découvrir ce que cette personne a accompli. Évidemment, tout n’est pas parfait du premier coup, ce qui entraîne de nouveaux coûts.

Lorsqu’il est question d’un album, à un moment ou un autre vient le temps de penser à la pochette et au look graphique de la pochette et du livret. Il faut alors engager un photographe pour une séance photo et un graphiste pour la création de la facture visuelle. Vous devez également écrire toute l’information que vous désirez y inclure. Vous devez donc approuver la mise en page, les couleurs, le choix des polices de caractères, et tutti quanti. Encore des dépenses de temps et d’argent.

Si vous avez choisi de réinterpréter des chansons d’autres artistes, vous devez effectuer les recherches au sujet de ses auteurs, remplir les bons formulaires et payer les droits de reproduction mécanique à la CMRRA afin de pouvoir procéder à la fabrication des disques comme telle, en plus de déterminer s’il y a d’autres licences ou autorisations à obtenir. ENCORE des dépenses de temps et d’argent.

Si vous espérer que votre album attire l’attention des médias, vous n’aurez sans doute pas le choix d’engager une agence de relations média qui s’occupera de vous écrire une bio, un communiqué de presse, acheminera votre album et tout le matériel afférent aux médias et s’assurera qu’on parle de vous dans les journaux, à la radio, à la télé, sur les blogues et les réseaux sociaux. On parle d’au moins 500 $, ici.

Si vous planifiez la sortie d’un CD ou d’un album vinyle, vous pouvez choisir un tirage d’aussi peu que 500 exemplaires, mais il vous en coûtera au moins 2000 $ malgré tout. N’oubliez pas toutefois qu’au moins 300 de ces exemplaires serviront à des fins promotionnelles, vous ne ferez donc pas un sou sur ces exemplaires.

Comme vous pouvez le constater, on parle d’une petite fortune, ici – environ 10 000 $ au bas mot – pour l’enregistrement et le lancement d’un album. Même en supposant que vous utilisez une campagne de sociofinancement pour trouver des fonds pour votre projet, il y a fort à parier que vous aurez tout de même à débourser au moins 5000 $ de votre poche.

Alors la prochaine fois que vous entendez de la musique que vous aimez, je vous en implore, donnez aux créateurs de cette musique le mérite et le respect qui leur revient pour tout ce qu’ils ont investi pour devenir les musiciens qu’ils sont et l’enregistrement qu’ils ont réalisé. Acheter leur musique leur permet de ne pas s’endetter et, on peut l’espérer, les aider à poursuivre leur carrière, ce qui est d’autant plus vrai pour les plus petits artistes indépendants.

Dans les faits, télécharger gratuitement de la musique n’est ni plus ni moins que du vol. Copier un CD est illégal et constitue un manque total de respect pour le dur labeur des créateurs musicaux. Il n’y a pas un artiste qui pourrait continuer à créer de la musique pour vous, cher public, s’il n’était pas payé pour son travail. Est-ce que vous accepteriez de donner gratuitement le fruit de votre travail? Non, et il n’y a aucune raison pour laquelle il devrait en être ainsi pour les créateurs de musique.