Archives mensuelles : novembre 2014

Tour d’horizon de la musique en continu : qui dit quoi

publié 11/18/2014

Par Howard Druckman

Depuis que Taylor Swift a retiré ses chansons de Spotify – et que les autres grosses pointures du country Jason Aldean, et Brantley Gilbert et Justin Moore (qui enregistrent tous les deux, comme Swift, chez Big Machine), en ont retiré leurs nouveaux albums – les commentaires fusent de toutes parts. Voici un sommaire des commentaires les plus notables.

Dans une entrevue avec Yahoo publiée dans le magazine Rolling Stone, Taylor Swift elle-même affirmait : « La musique évolue si rapidement, et le paysage de l’industrie musicale évolue si rapidement lui aussi que tout ce qui est nouveau… m’apparaît un peu comme une grande expérience. Et je ne suis pas prête à consacrer l’œuvre de ma vie à une expérience qui, à mon sens, ne rémunère pas équitablement les auteurs, les producteurs, les artistes et les créateurs de cette musique. Et je ne suis pas d’accord avec ceux qui perpétuent la perception que la musique est sans valeur et qu’elle devrait être gratuite. »

Le magazine Rolling Stone a également rapporté les commentaires de Scott Borchetta, président de Big Machine, dans une entrevue radiophonique avec Nikki Sixx, de Mötley Crüe, où Borchetta déclarait que « [Spotify] ne peut pas être gratuit éternellement. Donnez aux utilisateurs un essai de 30 jours, puis obligez-les à se convertir. La musique n’a jamais été gratuite. Elle a toujours coûté quelque chose, et il faut prendre position et le faire maintenant. »

L’auteur-compositeur-interprète R&B Aloe Blacc confiait au magazine Wired : « Je pense que les responsables politiques se rendront compte un jour qu’un système qui permet aux services de musique en diffusion continue de réaliser d’énormes bénéfices pendant que les créateurs se battent pour survivre est déséquilibré et défaillant. »

Une intervention de Bono, chanteur et leader de U2, dans le cadre de la conférence Web Summit à Dublin, a été citée dans le journal The Guardian : « L’ennemi, le vrai combat est entre l’opacité et la transparence… Pour que ce nouveau modèle fonctionne bien et s’enracine, il faut qu’il y ait un certain degré d’équité… des modèles équitables de diffusion. Et je pense que, quand cela se produira, l’industrie de la musique sera la marée montante qui soulèvera tous les bateaux. »

Le gérant d’Adele, Jonathan Dickins, a pris la parole lors de la même conférence. Ses propos sont rapportés dans le magazine Billboard : « Qu’on le veuille ou non, le streaming est la voie de l’avenir. D’ici cinq ans, il sera partout… Pour l’artiste qui cherche à se faire connaître, pour quelqu’un qui a un vrai bon album, mais qui est très créneau, je pense que le streaming est excellent. Taylor Swift regarde probablement ça en se disant : “Il y a un élément de cannibalisation. Je suis une marque de commerce. Les gens savent qui je suis, et je veux protéger les ventes de disques.” Et c’est compréhensible… Quel que soit le domaine, la clé est la capacité de dire non, de défendre ses droits et d’être le gardien de ces opportunités. »

Le magazine Time, pour sa part, cite un certain nombre d’analystes des industries du divertissement et de la musique. Selon Russ Crupnick, analyste en divertissement au sein du NPD Group : « Si vous vous dites, “Moi, je refuse le streaming parce que ça a mauvais goût”, c’est comme ignorer la direction prise par l’ensemble de l’auditoire. » Mark Mulligan, analyste de longue date de l’industrie musicale et cofondateur de MIDiA, opine : « En bout de ligne, le retrait des chansons de Taylor Swift de Spotify est une sorte de tactique à court terme. C’est une manière de vendre 1989 et le catalogue antérieur. Ce n’est pas une stratégie à long terme, mais elle peut fonctionner ici et maintenant. »

David Lowery, sur le blogue The Trichordist, affirme : « Spotify ne paie pas de taux durables pour les marchandises fabriquées. Écoutez, ça marche comme ceci : si ça vous coûte 100 $ pour fabriquer quelque chose et que quelqu’un d’autre le vend à 10 $… il a beau vous refiler 70 % du produit brut, il vous reste toujours 90 % à récupérer au niveau du coût unitaire. C’est le problème avec Spotify : ils sous-estiment le coût de fabrication (y compris la R&D, etc.). » Lowery mentionne également que le modèle de la diffusion en continu pourrait être réparé au moyen de fenêtres et de guichets.

Quant à Daniel Ek, de Spotify, il explique : « Notre raison d’être est d’aider les amateurs de musique à trouver les œuvres et d’aider les artistes à contacter leurs partisans grâce à une plateforme qui les protège contre le piratage et qui les rémunère pour leur étonnant travail… Le piratage ne rapporte pas un sou à l’artiste – rien, nada, zéro. Spotify a payé plus de deux milliards de dollars aux étiquettes, aux éditeurs et aux sociétés de perception aux fins de la répartition entre les auteurs-compositeurs et les artistes exécutants… Si la communauté créatrice ne touche pas cet argent en temps opportun et en toute transparence, c’est un gros problème. Nous ferons l’impossible pour collaborer avec l’industrie afin d’augmenter la transparence, d’accélérer les paiements et d’offrir aux artistes la chance de se faire connaître et d’entrer en contact avec leurs partisans… On ne peut pas voir Spotify comme un cas isolé – même si Taylor Swift peut retirer ses chansons de Spotify (où nous obtenons des licences et avons toujours payé pour les chansons que nous faisons jouer), ses chansons sont présentes sur tous les autres services et sur des sites comme YouTube et Soundcloud où les internautes peuvent écouter gratuitement tout ce qu’ils veulent. »

Dave Grohl a confié à Rolling Stone que ça ne le dérange pas personnellement tant que les gens écoutent de la musique.

Dans un rapport récent intitulé Fair Compensation for Music Creators in the Digital Age (Une rémunération équitable pour les créateurs de musique à l’ère numérique), publié par le Conseil international des auteurs de musique (CIAM), quelques constatations clés quant à la structure du secteur de la diffusion continue ont inclus que la musique est sous-évaluée par les plates-formes de musique numérique; le partage des revenus entre les différents groupes d’ayant droit est déséquilibré, au détriment des créateurs de musique; et les accords de licence conclus avec les services de diffusion continue manquent de transparence. L’étude conclut qu’un modèle d’affaires plus équilibré est nécessaire pour assurer la viabilité des services de distribution numérique de musique et garantir une rémunération équitable à tous les ayants droit. L’étude suggère qu’un processus de négociation entre tous les intervenants est la voie à suivre.

Le chef de la direction de la SOCAN Eric Baptiste écrivait récemment dans un blogue : « Vous serez peut-être surpris : j’accueille favorablement les services de musique en diffusion continue de tous genres et je suis prêt à soutenir tous les services canadiens et internationaux afin qu’ils se développent ici au Canada. Mais à une condition : ils doivent rémunérer équitablement tous les créateurs et autres ayants droit, fournisseurs essentiels de la musique qui est vitale à leur entreprise. Oui, tous les créateurs et ayants droit, dont les auteurs, les compositeurs et les éditeurs de musique, ainsi que les maisons de disques et les artistes qu’elles représentent. »

Et vous, qu’en pensez-vous ?

La diffusion continue exige un nouveau modèle d’affaires

publié 11/5/2014

Par Terry McBride

La diffusion continue est l’avenir de la consommation de musique.

D’après les chiffres de Nielsen de 2013, la diffusion continue de musique a augmenté de 32 pour cent par rapport à l’année précédente à 118,1 milliards de diffusions. Dans l’ensemble, les ventes de musique ont fléchi de 6,3 pour cent à environ 1,5 milliard de pistes, d’albums et de vidéos. Les ventes numériques de musique (les téléchargements) ont également chuté, soit de 6 pour cent, environ au même rythme.

L’Association de l’industrie du disque d’Amérique du Nord (RIAA) a récemment annoncé que les revenus des services de diffusion continue de musique ont surpassé ceux des ventes de CD, et se situent à un cheveu des ventes totales de musique sur support matériel. La RIAA affirme également que la diffusion continue représentait désormais 27 pour cent des revenus de l’industrie du disque dans la première moitié de 2014, contre 20 pour cent l’année précédente.

Environ 35 pour cent des revenus de ma maison de disques, Nettwerk Records, proviennent déjà de la diffusion continue, et cette proportion ne fera qu’augmenter dans les années à venir.

Lorsque la musique est diffusée en ligne, les auteurs-compositeurs en Amérique du Nord sont actuellement en grande majorité sous-payés pour la musique qu’ils créent, des fractions de millième de cent pour chaque diffusion continue (bien que, comme  le chef de la direction de la SOCAN Eric Baptiste l’a souligné dans le dernier blogue de la SOCAN, il y ait des raisons à cela). Il en va généralement de même pour les interprètes et les petites maisons de disques dont la musique est diffusée en ligne. C’est pourquoi la diffusion continue ne compense pas le déclin des ventes matérielles et des téléchargements en Amérique du Nord.

La solution à ce problème pour les compagnies de disques est de demander un pourcentage des revenus gagnés par les entreprises de diffusion continue au lieu d’un pourcentage « par écoute » (ou dans ce cas, « par diffusion »). La solution doit également créer des accords équitables entre les étiquettes et leurs artistes leur assurant d’être correctement rémunérés après de telles négociations.

Il y a une bonne part de résistance générationnelle à cette idée. Les générations passées croient fermement que les taux de rémunération sur les enregistrements doivent être établis par un organisme de réglementation gouvernemental. Mais dans le monde en ligne, où les frontières ont de moins en moins de signification, où une chanson peut être diffusée à une seule personne au lieu de l’être à des centaines de milliers comme à la radio, et où les revenus des entreprises de diffusion continue sont écrasés par de nombreux autres beaucoup plus importants comme ceux des médias traditionnels comme la télévision et la radio, le seul moyen concret d’avancer est d’abandonner la réglementation fondée sur les fractions de cent et de négocier des accords de pourcentage directement avec les sociétés de diffusion continue. En plus du paiement pour accéder à leur musique, les grandes étiquettes de disques tirent déjà des revenus des entreprises de diffusion continue de musique.

Cette approche peut fonctionner. En fait, elle le fait déjà. Les pays nordiques européens constatent une croissance de la diffusion continue de musique, et leurs artistes y trouvent une part importante de leur gagne-pain. L’industrie norvégienne du disque constate que les revenus de la diffusion continue étaient en hausse de 66 pour cent dans la première moitié de 2013. Les revenus de la diffusion continue représentent les deux tiers des revenus totaux de la musique en Norvège. Il en va de même en Suède, en Finlande et au Danemark. L’industrie musicale de la Suède a repris un taux de croissance dans les deux chiffres, même si environ 90 pour cent de la musique consommée dans ce pays provient de la diffusion continue.

En comparaison, si le principe de la fraction de cent ne disparaît pas un jour ou l’autre, l’industrie du disque nord-américaine continuera de reculer chaque année à un rythme de cinq à six pour cent. En fait, l’une des raisons qui ont permis à Nettwerk de prospérer face à ce déclin continu est que 90 pour cent de ses recettes proviennent de l’extérieur du Canada.

Les signes sont là. Il faut abandonner les vieilles façons de faire. L’industrie du disque doit avancer, et rapidement en plus, pour s’adapter à la nouvelle réalité de la diffusion continue de musique.

Les points de vue exprimés dans cet article et les autres commentaires qui figurent dans ce blogue ne sont pas nécessairement ceux de la SOCAN.